La passion commune qui nous anime trouve sa source dans des besoins différents selon les personnes mais relève d’une envie créatrice de révéler une harmonie dans le chaos ambiant.

La lumière qui se pose sur un doux visage en illuminant ses courbes gracieuses, un oiseau rare et coloré à la recherche de son repas, un paysage baigné de rayons lumineux révélant son relief harmonieux, un vieux chêne gardien de ses sujets depuis 500 ans et toujours fidèle au poste…

Sans forcément y mettre les mots ou même réussir à contextualiser ce qui anime l’œil du photographe et qui le pousse à figer jadis sur pellicule puis désormais une plaque de silicium ces photons fugaces, nous y trouvons un plaisir, solitaire dans un premier temps puis notre nature grégaire nous conduit à partager cet instant avec une meute de semblables.

En voulant élargir ce cercle au-delà des proches, de la famille ou du club photos de Cormeilles en Parisis, peut surgir l’idée d’abord saugrenue puis par curiosité de faire appel à ce qui est commun d’appeler les « réseaux sociaux », plutôt asociaux dans les faits mais qu’importe.

Pour que cette expérience ne soit pas synonyme de regrets et de désolation il convient au préalable de savoir où l’on met les pieds, d’où ma contribution avec ce modeste guide.

Balayons les différentes possibilités qui s’offrent à nous et que j’expérimente depuis plusieurs années.

  1. Bienvenue au Narcisse Club

Comment ne pas commencer par le plus célèbre d’entre tous : Instagram. Que l’on prononce Insta par commodité et soucis de tout raccourcir dans une époque de moindre effort. On l’écrit IG avec une phonétisation qui se dit « AIE J » à la New Yorkaise afin de ne pas passer pour un ringard absolu digne de finir sa vie de photographe avec des pellicules Kodak.

Otons tout de suite les aprioris, IG n’est pas fait pour les photographes, ne serait-ce tout d’abord que par un argument technique qui impose un mode de consultation des photos qui n’est à 99.9 % fait que par un écran de téléphone. Ajoutons à cela l’impossibilité de zoomer et d’afficher sur toute la surface du téléphone.

Pour autant, être sur IG c’est un peu figurer en tête de gondole d’un Carrefour, E. LECLERC où autre grande surface. C’est le site le plus consulté et il y très facile de partager ses œuvres, qu’elles soient photographiques ou vidéos, avec le plus grand nombre, y compris ses proches, ses collègues, ses amis…qui ne sont pas photographes mais qui aiment bien votre sensibilité photographique et manifestent cet enthousiasme par un pouce en l’air.

Vous n’y trouverez que très rarement des commentaires pertinents et la possibilité qu’un photographe renommé vous remarque est aussi probable que de croiser des phacochères dans le Val d’Oise (quoique j’ai une photo de cette rencontre du 2eme type).

Les premiers commentaires que l’on reçoit sont plutôt du genre : « j’aime beaucoup. Maman », « elle serait mieux en noir et blanc. Papa ».

De temps en temps vous avez des admirateurs – trices qui s’intéressent un peu trop ostensiblement à vos photos qui sont qualifiées d’odes à la nature et vous compare à Michel Angelo (n’ayons pas peur des superlatifs). Puis vient le temps de la furieuse envie de discuter avec l’artiste (vous) via une messagerie genre WhatsApp. Il va s’en dire que la population de jeunes femmes mannequins et tradeuses (ben oui l’un ne va pas s’en l’autre) Asiatiques qui m’ont contacté m’ont fait réfléchir sur la pertinence du système éducatif français.

IG est frappé d’un phénomène moutonnier qui s’autoalimente. Les personnalités populaires vont recueillir de façon systématique des « likes » juste du fait de leur notoriété même si leurs photos sont des bouses. Finalement, nos premiers likes sont les plus sincères car ils ne procèdent pas de ce phénomène.

Bref, il faut être présent sur IG mais il ne faut espérer aucun retour réellement constructif.

Enfin, IG est gratuit mais offre des solutions payantes pour vous mettre en avant. Je n’ai jamais essayé donc je ne peux pas commenter.

  • Redevenons sérieux

Deux sites que j’utilise assez régulièrement sont Flickr et 500px. Dédiés exclusivement à la photographie vous n’y trouverez pas d’instagrameuses au selfie compulsif mettant un avant leurs attraits physiques et tout en finissant naturellement par un #meetoo parfaitement de circonstance.

Flickr est une plateforme où vous avez la possibilité de poster vos photos dans des groupes dédiés et il y en a des milliers : chats, chiens, ours polaires et balaies brosses à tête orientable, tout ce qui imaginable est présent.

Un algorithme calcule votre taux de popularité en fonction du nombre de likes et peut vous permettre d’accéder au Graal qui est de paraitre sur le groupe InExplore. Celui-ci est affiché automatiquement en premier sur la page de tous les membres (plusieurs millions).

A ce moment vous passez de quelques likes (papa, maman, voir plus haut) à des centaines, voir des milliers et même des dizaines de milliers avant de retomber dans l’anonymat.

Le système de folowers est là aussi employé, ce qui fait que plus vous en avez plus le phénomène moutonnier sera présent.

500px fonctionne un peu de façon similaire mais sans groupes hyperspécialisés, juste paysages, architecture, nus artistiques (j’ai parfois du mal à saisir le sens artistique évoqué…), noir et blanc…

En fonction de l’intérêt porté à votre photo vous évoluez dans un système de notation dont le maximum est de 100%. Plus vous vous en approchez plus votre photo sera mise en avant dans les pages affichées et plus vous serez susceptibles de recueillir des likes, commentaires…

Sur ces deux sites j’ai parfois de beaux commentaires construits, d’autant plus lorsqu’ils proviennent de photographes réputés.

Naturellement, j’y croise de temps une mannequin tradeuse Chef d’entreprise Moldave me proposant mariage, enfants, fortune, popularité…

Les deux sites sont gratuits mais offre des prestations payantes qui vous permettent de poster plus de photos et d’avoir accès à des statistiques. J’ai essayé pour voir. Même si le comportement de vos visiteurs est intéressant d’un point de l’analyse de la sociologie des foules (pic de vote entre 12h00 et 14h00 puis 19h00, 14h00 le samedi et 20h00 le dimanche), cela n’apporte pas grand-chose de plus sur le ressenti de vos photographies.

  • Passage à l’âge adulte

100ASA est un site assez récent crée par des photographes italiens. Il se distingue des autres par son mode de fonctionnement que je trouve le plus abouti de tous ceux que je connais.

Le principe repose sur l’anonymisation des photos lorsqu’elles sont exposées. Le coté moutonnier est ainsi totalement annihilé. Vos photos sont exposées à l’ensemble de la communauté pendant une période de 7 jours durant lesquelles elles reçoivent likes et commentaires.

Un algorithme détermine un taux allant de 0% à 100% en fonction des votants. Arrivé à 80% votre photo est publiée dans la gallérie PRIME visible par l’ensemble de la communauté. Uniquement à ce moment l’identité du photographe est révélée.

Si votre photo est exceptionnelle, un groupe de modérateurs photographes professionnels vous attribue une place dans la catégorie ELITE ou INSPIRATION, qui sont toutes deux très élitistes.

Victime de son succès, des bouses commencent à affluer mais elles ne franchissent pour la plupart par le stade du vote. Elles disparaissent donc vite de la plateforme.

Plus vous cumulez de publications plus vous gagnez des crédits qui font que vos votes pèseront plus dans les notations que vous faires des autres personnes. J’ai le statut de GURU, ce qui n’est pas si mal.

Je n’ai jamais obtenu de propositions de mariage d’amour sur ce site, gage s’il en est du sérieux de la population qui le compose, mais je ne désespère pas d’y trouver ma Roumaine multimillionnaire.

Les commentaires sont parfois vraiment pertinents et dignes d’une soirée « critique » au club.

Enfin, le site est gratuit mais il y a des options payantes qui n’apporte rien de plus. J’ai souscrit uniquement pour encourager le développement du site.

  • OVNI

Photoimaginart est un site dédié à la photographie vraiment à part dans la mesure où il n’y aucun aspect communautaire. Le seul intérêt est que les photos postées ont toutes fait l’objet d’une validation par un collège de photographes professionnels.

Lorsque votre photo est sélectionnée elle est immédiatement mise en vente et vous devez définir la part financière vous revenant.

J’en ai 4 ou 5 de publiées mais je vais plutôt compter sur mes mannequins-tradeuses- chef d’Enterprise – Première ministre Lituanienne pour faire fortune…

Il est assez difficile d’être publié. Le site met exclusivement en avant le côté artistique de la photo quelque soit le sujet pris. Une fois que l’on a compris cela il faut faire preuve d’une vision « artistique » qui permettra la différenciation.

Le site est gratuit sans qu’en ma connaissance une version payant existe.

  • Concessionnaire MASERATI

Là, plus question de jouer, nous touchons à l’élite de l’élite. Nous ne sommes plus chez Carrouf mais chez Fauchon. Le site 1x s’accompagne du slogan « In pursuit of the Sublime, tout est dit.

Ici pas d’échange gratuit sans frais sous 7 jours, pas de cabines d’essayage, on paye d’abord puis on soumet ses photos à un cortège de « sachants » qui décide de l’opportunité de montrer votre œuvre à la communauté. Photos qui seront naturellement mises en vente.

Les photos consultables gratuitement (ouf) sont naturellement parfaites d’un point de vue technique, pas une composition de travers, pas un grain de poussière qui traine, colorimétrie aux petits oignons, chaque feuille, chaque brin d’herbe a fait l’objet d’une attention particulière.

C’est la rencontre du minimalisme japonais et de la décoration Scandinave. Autant vous dire que cela ne pète pas en couleurs et que ce n’est pas soirée Ibiza à la maison. Ça en est presque trop mais on peut y trouver néanmoins des sources d’inspiration.

Je n’y suis pas mais j’essaierai probablement un jour.

  • Epilogue

Il existe d’autres sites que je ne connais pas et qui mériteraient certainement de s’y intéresser.

Même si au début je me suis mis à poster les photos sur ces sites juste pour l’attrait technologique et « pour voir », on se prend assez vite au jeu de la compétition. 

Sans pour autant me considérer comme un Nigérian du marathon en moins de 2 heures de la photo, je prends un certain plaisir à recevoir des gratifications venant d’inconnus ou de personnes connues.

Quoiqu’on en dise, l’égo trouve toujours une certaine satisfaction à ces petites sucreries qui apparaissent au fil du temps et qui poussent à l’amélioration.

Pour ceux qui souhaitent progresser je suis donc un partisan d’aller se jeter dans l’abime sans fond des réseaux (a)sociaux sans pour autant que cela prenne le dessus sur l’essentiel : l’émotion que l’on ressent devant nos photos, quand bien même la mannequin n’existe pas.